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-" Indispensable à l'industrie textile - la seule véritable indusrie de l' Occident médiéval -, la profession de teinturier est en effet cloisonnée et sévèrement réglementée. Les textes sont nombreux qui en précisent l'organisation, la localisation dans la ville, les droits et les obligations, la liste des colorants licites et des colorants interdits. Ils nous montrent combien ce corps de métier puissant et turbulent est étroitement surveillé. Les conflits sont fréquent qui l'opposent à d'autres corps de métiers, notamment aux drapiers, aux tisserands, aux tanneurs. Partout, l'extrême division du travail et des réglements professionnels rigides réservent aux teinturiers le monopole des pratiques de teinture. Mais d'autres professions, qui n'ont pas le droit de teindre, le font quand même. D'où des litiges, des procès, et donc des archives riches  d'informations pour l'historien.

  Les métiers de la teinturerie sont en outre spécialisés et compartimentés selon les matières textiles (laine, lin, soie ) et selon les couleurs. Les réglements interdisent d'opérer dans une gamme de couleurs pour laquelle on n'a pas licence. Pour la laine, par exemple, si l'on est teinturier de rouge, on ne peut pas teindre en bleu et vice versa. En revanche, les teinturiers du bleu prennent souvent en charge les tons verts et les tons noirs ,  et les teinturiers de rouge, la gamme des jaunes et des blancs. Cette étroite spécialisation des activités de teinture n'étonne guère l'historien des couleurs. Elle doit être rapprochée de cette aversion pour les mélanges, héritée de la culture biblique, qui imprègne largement la sensibilité et la symbolique médiévales. Ses répercussions sont nombreuses dans la vie sociale et la culture matérielle. Mêler, brouiller, fusionner, amalgamer sont des opérations jugées souvent démoniaques parce qu'elle enfreignent l'ordre voulu par le Créateur. Tous ceux qui professionnellement sont conduits à le faire ( teinturiers, forgerons, alchimistes, apothicaires ) éveillent la crainte ou la suspicion : ils semblent tricher avec la matière. Les teinturiers sont les premiers visés, comme le souligne un jeu de mots français, courant dans les années 1500, qui rapproche les verbes teindre et feindre. Il se retrouve en anglais quelques décennies plus tard ( chez Shakespeare, par exemple ) : entre to dye ( teindre ) et to lie ( mentir ), la frontière est ténue.

  Les teinturiers de la fin du Moyen Age mélangent donc rarement deux couleurs pour en faire une troisième, et surtout pas du bleu et du jaune pour en faire du vert.-"

 

 

Michel Pastoureau, " VERT, histoire d'une couleur" aux Editions du Seuil, page 114 " Les cuves du teinturier ". 2013.

 

 

 

Teindre en bleu : la guède et l'indigo

 

 

  Mais revenons aux teintures antiques et signalons que si les Grecs et les Romains teigent peu en bleu, d'autres peuples le font. Ainsi les celtes et les Germains, qui pour ce faire utilisent la guède (...), plante crucifère poussant à l'état sauvage sur des sols humides ou argileux dans de nombreuses régions de l'Europe tempérée. Le principe colorant ( l'indigotine ) réside essentiellement dans les feuilles, mais les opérations nécessaires pour obtenir la teinture bleu sont longues et complexes. Nous en parlerons plus loin , lorsque, au XIII ème siècle, la vogue nouvelle des tons bleus dans le vêtement révolutionnera les métiers de la teinturerie et fera de la guède une authentique plante industrielle.

  Ainsi et encore, et surtout, les peuples du Proche- Orient qui importent d' Asie et d' Afrique une matière colorante longtemps inconnue en Occident: l'indigo. Cette matière provient des feuilles d'un arbuste dont il existe de nombreuses variétés mais dont aucune n'est indigène en Europe : l'indigotier. Celui des Indes et du Moyen-Orient pousse en buissons ne dépassant guère deux mètres de haut. Le principe colorant ( ici aussi il s'agit de l'indigotine ), plus puissant que celui de la guède, se trouve dans les feuilles les plus hautes et les plus jeunes. Il donne aux étoffes de soie, de laine et de coton une teinte bleue profonde et solide, sans guère nécessiter l'utilisation d'un mordant pour bien faire pénétrer la couleur dans la cuve d'indigo puis l'exposer à l'air libre suffit pour lui donner sa couleur; si celle-ci est trop claire, on répète l'opération plusieures fois.

 

 

 

Michel Pastoureau, "BLEU, histoire d'une couleur " aux Editions du Seuil. 2000

pages 17 et 18

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